"Haïku" Eric Calatraba
Raphaël Larcher est veuf. Il élève seul sa fille Lila. Lieutenant de police, il vient d’être muté à Nice. A peine a-t-il pris ses fonctions qu’il va se retrouver au milieu d’une enquête assez particulière. Un premier corps est retrouvé. A ses côtés : un haïku pour le moins énigmatique :
La fin de l’hiver
Tailler le buisson malade
Brûler les épines
Il ressentit une brûlure à la jambe et s’écroula sur le sol. Du sang se répandait autour de lui. A l’autre bout du parking, la moto effectuait un demi-tour. Oulov vit le sabre briller sous les néons. Il rassembla ses forces, boita jusqu’au 4x4 et ouvrit la portière. Sa jambe le torturait à chaque mouvement. Il cria de douleur et de rage et s’empara du pistolet mitrailleur qu’il avait laissé sous le siège. La grosse cylindrée rugissait de plus belle et chargeait à nouveau. Oulov tentait tant bien que mal de rester en équilibre sur une jambe. Il arma la culasse aussi vite qu’il le put et chercha à viser. Le motard lancé à pleine vitesse leva son katana et frappa en pleine course. Tranchée nette, la main d’Oulov tomba sur le sol de béton. Les doigts serraient encore le pistolet mitrailleur. Fou de douleur, il tomba, dos contre la voiture.
D’autres meurtres s’ensuivront ainsi que d’autres haïkus aux significations de plus en plus codées. C’est une véritable chasse à l’homme qui va alors s’engager et qui l’emmènera au-delà des frontières : Milan, Moscou, Vladivostok, Tokyo.
Raphaël devra résoudre une enquête bien particulière et se lancera sur les traces d’un assassin qui tisse une véritable toile d’araignée et qui le conduira jusqu’au tréfonds de l’enfer. Un assassin redoutable, froidement déterminé et impitoyable.
"Haïku" est une énigme desservie par un style incisif et très efficace. Riche en enseignements, le lecteur découvrira l’univers de ce lieutenant passionné par l’opéra, la moto et les arts martiaux. Un homme qui, en aucun cas, n’est décrit comme un héros mais comme un homme simple. Avec ses forces et ses faiblesses. Un homme qui ne parvient pas à faire le deuil de son épouse et éprouve, dans un premier temps, bien des difficultés à s’engager dans une relation amoureuse. Un homme qui porte le poids de sa peine tel un fardeau et qui, lors de son séjour à Tokyo, vivra une expérience qui le changera et qui lui donnera une force tout à fait inattendue.
"Haïku", c’est la combinaison parfaite entre le bien et le mal. La poésie utilisée pour certains mots sera parfois en totale opposition avec la violence de certaines scènes. Quant aux descriptions, elles sont parfaitement retranscrites.
Je ne formulerai qu'un regret : j'aurai aimé que l'auteur s'attarde plus longtemps dans ce pays fascinant qu'est le Japon. Pays de contrastes et de tous les extrêmes, mélange de tradition, berceau artistique et religieux, cité spirituelle ; et de modernité, archipel de la haute technologie.
Un pays où, même la nature, offre toute sa diversité.
En conclusion, je vous recommande vivement la lecture de ce roman mi-thriller, mi-roman noir.
Pour l’originalité que l’auteur a su conférer à son récit.
Pour la beauté de l'opéra.
Pour l’émotion ressentie à la lecture de certaines lignes.
468 pages.
La seule limite à notre pouvoir est la somme de nos doutes et de nos peurs.
En bonus, je vous propose de lire les réponses à un questionnaire que j'ai adressé à l'auteur.
Qui êtes-vous ?
Je suis enseignant. J'ai grandi en Haute-Savoie, je vis en Provence à présent.
Qu’est ce qui vous a donné l’envie d’écrire ?
J'écris depuis longtemps des chansons en tant qu'auteur compositeur interprète. Ce qui m'a donné envie d'écrire, c'est la lecture. Un jour je me suis dit « pourquoi ne pas écrire, moi aussi ? » J'étais seul à Marseille la semaine pour mon travail, j'étais dans l'ambiance, moi qui aime les romans noirs...
Qu’est ce qui vous plaît dans l’écriture ?
Le sens et la musique des mots, la possibilité de créer un univers à partir de rien. Au bout d'un moment, l'histoire prend la main, c'est elle qui commande la fin de l'histoire. C'est une expérience unique et pourtant je prépare beaucoup le roman avant de commencer l'écriture proprement dite. J'ai interviewé un commandant de police, échangé avec un ancien ministre canadien auteur d'un rapport sur les trafics d'organes en Asie, accumulé les articles, les recherches...
On sent, à travers vos lignes, un attachement particulier au Japon ainsi qu’une excellente maîtrise des arts martiaux. Avez-vous vécu dans ce pays ?
Non, mais j'ai pratiqué l'aïkido et je suis fasciné par la culture nippone. Un soir, il y a longtemps, en suivant le cinéma de minuit j'ai vu « Les sept samourais de Kurosawa », découvert que la manière la plus efficace de se battre était aussi une chorégraphie.
Une devise ?
« Il est arrivé et personne ne l'a informé que c'était impossible. Alors il l'a fait. »
Quel est votre rêve le plus cher ?
Ecrire. Quitter un métier que j'aime, pourtant, mais j'aimerai arriver à vivre de cette passion de l'écriture. Sacré challenge, mais personne ne m'a informé que c'était impossible, alors...
Un livre en écriture ?
Deux en fait. Un thriller ancré dans la musique, plein de références à la pop. Je retravaille la première partie car je pense que la montée en puissance de mes héros mérite d'être développée. Et la suite de Haïku. Encore une fois, le point de départ est une réalité terrible et méconnue du monde contemporain.
Prochaine chronique : "Et soudain tout change" de Gilles Legardinier
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