18 Sep

"Sept pépins de grenade" Jane Bradley

Publié par Les Polars de Marine

Livy pense à sa fille : Katy. Elle prend conscience du temps passé, réalise que sa jeunesse est derrière elle, qu’elle se doit, en tant que mère, de dire certaines choses à sa fille qui est sur le point de se marier.

Elle jeta un dernier regard au miroir. Oui, elle était une belle femme, et si elle n’avait pas été belle, elle n’aurait pas séduit Lawrence, et elle ne serait pas dans cette maison au sommet de Lookout Mountain, mais dans un logement quelconque en préfabriqué à Suck Creek. Mais elle commençait à perdre son éclat ; elle le savait. Avec le temps, on découvrirait que la beauté n’était pas tout et qu’il fallait apprendre à se débrouiller quand elle n’était plus. Elle était contente d’avoir averti Katy. Elle lui avait dit : « Oui, tu es belle, mais la beauté passe, alors montre-toi attentionnée, Katy. Cela t’apportera beaucoup. On t’aimera bien au-delà de ta jeunesse si tu sais t’intéresser aux autres et être généreuse. (…) Il faudrait qu’elle mette Katy en garde à propos du mariage. Peut-être qu’en fin de compte, la gentillesse est surestimée. Ne te soumets pas, Katy. Elle se sentit envahie par le chagrin. Les larmes aux yeux, prise de nausée, elle s’assit. Il était trop tard pour enseigner l’égoïsme à Katy.

Mais Livy a un mauvais pressentiment qui va malheureusement se confirmer quand elle reçoit un appel de Billy, le fiancé de Katy, rongé d’inquiétude. Katy a disparu.

DISPARUE

à Wilmington, Caroline du Nord :

Katherine (Katy) Connor

1,78 mètre, 60 kilos

Yeux bleus. Cheveux longs châtains

Tatouage d’une croix sur l’épaule

Vue pour la dernière fois le 22 juin à la boutique Dollar Daze de Briarfield Plaza. Son pick-up Chevy bleu avec plaque minéralogique du Tennessee a été retrouvé à 80 km à l’ouest de Wilmington, Columbus County.

Si vous avez la moindre information, prière de…

« Sept pépins de grenade » est un récit orienté du côté des victimes et des familles des disparu(e)s. Il décrit la douleur des proches, l’angoisse qui peut parfois se muer en folie, la souffrance qui prend en tenaille et ne lâche plus et surtout l’impuissance.

L’enquête pour retrouver Katy semblant avoir atteint ses limites, la police ne disposant d’aucune piste sérieuse, Livy et Billy décident de faire appel à Shelby, consultante en disparitions, de l’association A.C.T. : « Agir, Conforter, Trouver ». Livy placera tous ses espoirs en Shelby. Les espoirs d’une mère meurtrie par la disparition de son enfant. Shelby l’aidera à retrouver ses repères, à espérer et, surtout, à ne pas sombrer dans la dépression.

Ce roman sonde aussi la noirceur de l’âme humaine. Les masques sont terrifiants et rappellent que l’homme peut avoir plusieurs visages, que la méfiance se doit toujours d’être de mise et que le mal ne se trouve pas toujours forcément là où on l’attend le plus.

Enfin, ce roman est également la voix de Shelby : celle qui se bat au quotidien pour tenter de retrouver toutes ces personnes disparues. Celle qui semble si forte et invulnérable mais qui, comme tout à chacun, connait des doutes, des incertitudes et parfois de la lassitude devant l’ampleur de sa tâche. C’est également son quotidien que le lecteur partagera et nul ne pourra être insensible à la lecture de cet ouvrage qui renvoie à une réalité bien affligeante : celle de tant de disparitions à travers le monde.

En conclusion, « Sept pépins de grenade » est une lecture que je conseille mais qui, toutefois, aurait été d’autant meilleure si la qualité du récit n’avait pas, à certains moments, fait défaut. Ce roman a été traduit de l’américain et il est possible que l’on puisse imputer ce manque de style à la traduction. L’idéal serait en fait de lire les auteurs étrangers dans leur version originale afin d’être en mesure de porter un réel jugement.

Autrefois, on tatouait les membres des tribus nomades afin de pouvoir identifier les cadavres ; ceux qu’on retrouvait étaient ainsi rendus aux familles pour être enterrés convenablement et reposer en paix. Le système marchait assez bien, selon le temps écoulé et les conditions climatiques. Aujourd’hui, on préfère l’identification dentaire. Mais les gens continueront de disparaître, les prières de rester sans réponse. Et les âmes perdues d’errer. Nous le savons tous, les corps demandent à être retrouvés. Vous pourriez dire que c’est là, d’une certaine façon, une histoire de fantôme. Une histoire criminelle. D’un genre classique. Biblique en quelque sorte, mais pas tout à fait. Katy ne savait pas que ce jour deviendrait une histoire. Katy ne savait pas que Jesse Hollowfield guettait l’occasion. Elle ignorait qu’à tout moment, à des kilomètres de profondeur, les plaques continentales pouvaient bouger, la terre s’ouvrir et une main invisible se tendre, saisir, s’emparer de la rue, renverser tout, étouffer même les cris sans laisser le temps de comprendre l’obscurité qui envahit et peut-être fait sombrer la planète. Personne n’y est prêt. Le doux monde bleu s’éclipse d’un coup. On n’est plus le même après une telle expérience.
Croyez-moi. Cela peut arriver.

Policiers Seuil

470 pages

21,80 €

Prochaine chronique : « Séparation de corps » de Lisa Scottoline