"Le cimetière des hirondelles" Amédée Mallock
Le commissaire Amédée Mallock est envoyé à Saint Domingue pour rapatrier Manuel Gemoni, ressortissant Français qui vient de commettre un meurtre sur l’île. Julie Gemoni, sa sœur, capitaine de PJ, ne croit pas un instant en sa culpabilité d'autant plus que Manuel ne peut expliquer les raisons de cet acte. La seule réponse qu'il peut apporter est : « Je l’ai tué parce qu’il m’avait tué ». Cet homme, citoyen au dessus de tout soupçon et sans histoires n’a rien d’un meurtrier. Eminent enseignant chercheur au Collège de France spécialisé dans l’Egypte Ancienne et agrégé d’archéologie, aucune faille ne peut être décelée chez celui qui semble être parfait depuis sa plus tendre enfance à une exception près : sa phobie des forêts et du noir. Sa famille disait qu’il était la réincarnation d’une âme. Sa victime : Tobias Darbier était, quant à lui, un personnage bien connu de l’île et que personne ne semblera regretter. Mallock aura d’ailleurs bien du mal à comprendre pour quelle raison cet homme est resté si longtemps en vie tant la liste de ses ennemis était impressionnante.
Il va donc tenter de comprendre ce qui a bien pu se passer : partir au bout du monde pour assassiner quelqu’un sans motif aucun relève tout simplement de l'inconcevable et de l'irréel.
Une intrigue dont on déroule le fil à l’envers, une enquête au cours de laquelle reviendra un seul et unique mot : invraisemblable. C’est donc face à l’absence d’explications que la solution retenue sera l’hypnose, procédé qui apportera les réponses aux questions que tout le monde se pose. Mais ce que vont découvrir les protagonistes va rapidement dépasser les limites de l’entendement ; les réponses à cet acte se trouvant dans le passé de Manuel mais dans un passé bien lointain. C’est vers l’inconnu et l’inconcevable que vont se diriger le commissaire et son équipe au fil des révélations de Manu.
C’est donc dans un premier temps un voyage à travers la République Dominicaine que l’auteur nous propose. Un voyage bien loin des clichés traditionnels : soleil, plage et dépaysement. Amédée Mallock saura décrire avec précision cet étonnant contraste entre la beauté de l’île, la splendeur offerte par la nature et la pauvreté humaine. Explosion de mots et de couleurs plus chatoyantes les unes que les autres.
Le personnage de Amédée Mallock est bien particulier. A la fois blessé par la vie, une blessure qui ne pourra jamais se cicatriser complètement : la perte de son fils et celle de son épouse, parfois bougon mais très attachant : drôle et excentrique. Un personnage tout en contrastes.
…« Monsieur le commissaire est dans la mer. Il n’y a personne au bord de l’eau. Seuls y marchent des fantômes noirs aux bras coupés prolongés de tuyaux. Jardiniers bannis, voleurs haïtiens rejetés de l’autre côté de l’île, condamnés aux paradis touristiques à perpétuité. Petit jour. Le ciel se met à pleuvoir, mousson, ramassis serré de gouttes qui mouillent et le soleil qui persiste, transformant ce déluge en rideau de perles d’or. Monsieur le commissaire embrasse les vagues de ses bras, comme on enlace une compagne fidèle. Il lui semble qu’ici plus qu’ailleurs, en glissant en apnée, il pourra fondre ses peines et libérer ses larmes, bancs d’enfants méduses qui le quitteront en se retournant une dernière fois, pour lui dire adieu avant de disparaître derrière la nacre du corail. »…
L’auteur prend son temps. Pour décrire les paysages, les senteurs de l’île, pour mettre en place les personnages. Aucune précipitation mais une analyse très poussée et travaillée. Ce n’est que vers la seconde moitié du roman que le récit prendra toute sa dimension. Un roman où se conjuguent à la même personne mystère, énigme, noirceur, tendresse, émotions ; où le fantastique et le réel se côtoient pour ne faire plus qu’un. Un récit tout en mesure où le lecteur trouvera à la fois un style très littéraire, à la limite parfois de la poésie, de nombreuses touches humoristiques et sarcastiques à souhait qui le parsèment mais aussi une noirceur extrême dans la description de certains passages. Le mélange de tous ces genres est concluant : un roman complet, intéressant et passionnant.
« Le cimetière des hirondelles » est un ouvrage que l’on referme en se disant : « Et pourquoi pas ? » « Et si le cœur d’un homme pouvait battre encore pendant plusieurs siècles ? »...
Une remarque qui a son importance : cet ouvrage n'est pas, à mon sens, un thriller mais plutôt un excellent roman policier. Ne le lisez donc pas en pensant trouver une écriture au rythme effreiné, vous risqueriez d'être déçus.
JD Bruet-Ferreol, qui se cache sous le pseudonyme de Mallock (nom de famille du commissaire de sa série de thrillers littéraires) a de multiples casquettes : peintre, photographe, designer, inventeur, directeur artistique, compositeur et bien sûr, écrivain. Depuis plus d'une dizaine d'années, il ne se consacre plus qu'à sa carrière de peintre numérique au travers d'expositions et d'édition de livres d'art et à celle d'écrivain, notamment de romans policiers.
Editions Fleuve Noir
19 euros
427 pages
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