'The hunter' Christelle Mercier
Une enfant est portée disparue.
Flash spécial.
… « Ici Karen Medley en direct depuis Radcliff. Il y a tout juste huit heures qu’Amanda Canberra, âgée de sept ans, a disparu. Accompagnée de ses parents au Centre commercial Market Store, l’enfant a échappé quelques secondes à leur vigilance alors qu’ils entraient dans l’épicerie. Les témoignages recueillis par la police confirment l’hypothèse d’un enlèvement. Vêtue d’une veste blanche et d’un pantalon bleu marine, plusieurs personnes disent l’avoir vue aux bras d’un homme de corpulence moyenne. Plus de cinq cents personnes se sont mobilisées à sa recherche, policiers, soldats et civils quadrillent plusieurs secteurs en ce moment même dans les sous-bois, les sites abandonnés. Tous sont touchés par la détresse de la famille qui invite les citoyens susceptibles de détenir des informations à contacter la police. Il est important de la retrouver, citent les enquêteurs, plus le temps passe et plus les chances de revoir l’enfant s’amenuisent. C’était Karen Medley qui rend l’antenne »…
Molly Wilson est la maman d’une petite fille de 6 ans : Sydney. Elle vient de se séparer de son mari : Aaron et est installée depuis peu dans le comté de Radcliff. Elle fait la connaissance de sa voisine Christie à l’arrêt de bus et est intriguée le soir même par son comportement ainsi que celui de son mari Ronald.
Le corps d’Amanda vient d’être retrouvé. C’est l’ex mari de Molly : Aaron qui prend en charge l’enquête. Ce crime fait suite à beaucoup d’autres, perpétué dans les mêmes conditions.
… « Son crâne rasé la dépersonnalisait totalement. Lorsqu’ il avait comparé cette photo à celle donnée par ses parents, il avait eu comme un choc. Elle avait de magnifiques cheveux bruns, ondulant sur ses fines épaules. Des yeux pétillants, un teint rosé. Tout avait disparu sous le masque mortuaire, des hématomes s’étaient formés sous les coups, son visage était gonflé et tuméfié. Des dents avaient été arrachées sous les coups violents. Des centaines de taches brunes circulaires étaient à jamais marquées sur sa peau fine, résultant de brûlures de cigarettes, il en avait décelé même sur ses parties intimes. Les petites croûtes qui s’étaient formées indiquaient une cicatrisation récente, elle était donc vivante. Des lacérations multiples taillées à vif sur sa chair par la lame du couteau s’orientaient sous divers angles, indiquant des frappes violentes et emplies de colère. Certaines plaies portaient encore l’empreinte de la garde du couteau. Sans oublier l’inavouable. Le pire. Les viols. Bestiaux. Il avait eu l’impression qu’en examinant les parties intimes de l’enfant, il constituait une intrusion cruelle. Un viol de plus »…
« On ne s’habitue jamais à la mort d’un enfant ».
Aaron Wilson ne peut s’y résoudre également. Elaine commence à avoir des doutes quant au comportement de son mari et Molly est, quant à elle, de plus en plus intriguée par les agissements de ses voisins, d’autant plus le jour où leur fille qui a pour habitude de garder Sydney vient la voir, le visage tuméfié, en lui disant qu’elle change de collège et quitte la maison. Pendant ce temps, la police enquête et ne dispose malheureusement d’aucun élément probant. Celle-ci piétine et la psychose commence à s’installer dans la ville. Molly et Aaron font tout pour protéger leur fille, voire même la surprotéger. Malgré toutes ces précautions, Sydney sera enlevée et Aaron et Molly devront aller avec les parents des autres victimes jusqu’au bout de l’horreur en assistant au procès. Le diable sera jugé. Celui qui a arraché la vie à ces petites filles qui ne connaitront jamais leur premier flirt, les années lycée, leur vie d’étudiante, ces petites filles qui ne connaîtront jamais le bonheur de trouver un premier travail, celui de construire un foyer et de vivre leur propre vie d’adulte, le bonheur d’avoir à leur tour des enfants et de faire tourner la roue de la vie. Celui qui a brisé des vies entières en leur ôtant ce qu’elles avaient de plus cher : leur enfant.
Certes, il y aura jugement. Mais quelle que soit la peine infligée, cette condamnation ne permettra jamais de faire revenir les sourires de ces fillettes ainsi que la joie qui existait auparavant dans ces familles.
… « Rien n’efface les blessures, rien n’efface les images ancrées dans la mémoire. On les oublie par moments mais elles finissent par revenir en boucle sans que l’on puisse appuyer sur la touche stop. Elles sont vicieuses, répétitives, vous avez beau les chasser, elles se cramponnent à votre cerveau comme une sangsue, jusqu’à vous rendre fou »…
Ce procès pourrait être celui de la Société, celle dans laquelle nous vivons. Molly avait bien remarqué et ce, depuis le début que ses voisins n’avaient pas un comportement normal, que leur fille Hayley souffrait, que son petit frère essayait aussi d’émettre des signaux de mal-être. Aurait-elle pu éviter ces drames si elle avait réagi dès le départ ? Peut-on accuser quelqu’un sous prétexte de simples suspicions ? Tout n’est pas aussi simple.
Le lecteur saura dès les premières pages qui est l’assassin et assistera à une véritable descente aux enfers. La plongée dans l’enfer de ces fillettes enlevées, violées et torturées, la plongée dans l’enfer de la folie meurtrière, de celle d’un homme fou qui s’en prend également à sa femme et à ses propres enfants, ne parvenant plus à contrôler ses propres pulsions.
Ce roman soulève différentes problématiques : la violence, la folie, les sévices sexuels, l’inceste. Mais également la honte, le mensonge, les faux semblants, la peur. Peur de l’autre, peur des représailles. Et par voie de conséquence, le silence lié à ces agissements. Une femme ou des enfants battus ont-ils réellement le choix ? S’ils parlent, ils savent qu’ils s’exposent à de graves dangers et s’ils se taisent, ils savent également que leur vie est menacée. Combien de femmes battues gardent-elles le silence et acceptent elles-leur condition ? Elles se sentent impuissantes, et la plupart du temps n’ont aucun endroit où se rendre, où se cacher, où se protéger.
Dans le cas présent, la femme et les enfants du meurtrier connaissent tout de ses agissements. Il ne se cache pas.
Ce roman, vous l’aurez compris, est bouleversant. Car même s’il s’agit d’une fiction, il renvoie le lecteur à une réalité affligeante. Celle de ces hommes qui, en s’attaquant à leurs proches se sentent investis d’une force et d’un pouvoir qu’ils ne possèdent pas dans la vie, ceux qui assouvissent leurs besoins sexuels et leurs fantasmes en abusant de la violence. Ceux qui, en infligeant dès la plus tendre enfance de tels sévices, brisent toute une vie.
L’écriture de Christelle Mercier est sans reproches, Elle sait parfaitement bien manier l’art du suspens et il s’agit dans le cas présent d’un thriller noir, voire très noir, qui vous touchera au plus profond de vous-même et ce, d’autant plus si vous êtes parents. La fin du roman est, quant à elle tout sauf prévisible. A l’heure où je termine cette chronique, je suis encore sous le choc de cette lecture.
Une lecture qui vient rejoindre mes coups de cœur de l’année.
Née en 1975 à Orléans où elle vit toujours, Christelle Mercier travaille en tant que correspondante presse pour un journal local et rédige également des articles pour des blogs et chroniques presse. L’écriture a toujours fait partie intégrante de sa vie en débutant par des comptines pour enfants à l’âge de treize ans. Depuis l’adolescence, l’étude de la psychologie des tueurs en série, la médecine légale, la police scientifique ont été une révélation pour l’inspirer dans l’écriture de ses polars en offrant aux lecteurs une minutie et une réalité sanglante.
Le blog de l’auteur http://lesromansdechris.blog4ever.com/blog/index-386036.html
Editions Les deux Encres
174 pages
17,20 €
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