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Férue de littérature policière, mes goûts sont très éclectiques : romans noirs, romans à suspense, thrillers, thrillers psychologiques ou polars. Face à la profusion d'ouvrages de littérature policière, il est parfois bien difficile de faire son choix. Je vous donne donc mon avis quant à mes lectures.

26 Nov

"Blackout Baby" Michel Moatti

Publié par Les Polars de Marine

Londres, février 1942.

 

Un homme : Gordon Cummins, illuminé, prend au pied de la lettre les "leçons" de Aleister Crowley, ésotériste vieillissant et sème la terreur dans une ville en proie à un contexte historique déjà particulièrement difficile, en assassinant quatre prostituées.

La panique s'installant, le gouvernement décide de confier l'enquête à Walter Dew, policier retraité qui a longtemps cherché à arrêter Jack l'Eventreur, mais sans succès. Celui-ci va contacter Amélia Pritlowe, infirmière travaillant au London Hospital, et fille de Mary Jane Kelly, cinquième et dernière victime de Jack l’Eventreur en 1888. Amelia accepte de collaborer avec la police afin de pouvoir identifier l’assassin ; estimant avoir une dette envers sa mère.

Ce duo, qui pourra faire penser à un "vieux Poirot" et une "jeune Miss Marple", va cerner cet assassin nyctalope dont l'étendue de la folie et les motivations seront révélés à la fin du récit.

 

Elle avait appris à la mort de son père qu’elle était la fille de Mary Jane Kelly, la dernière victime de Jack l’Eventreur, en novembre 1888, alors qu’elle-même n’avait pas trois ans. Elle avait patiemment reconstruit le puzzle qui menait à Miller’s Court, la dernière adresse de sa mère. Elle avait regardé pour ainsi dire au fond des yeux de Jack l’Eventreur ; elle avait affronté le monstre qui avait frissonné de plaisir en regardant mourir sa mère, cinquante années plus tôt. Elle avait été au bout de sa quête et presque au bout de sa vengeance. Cette pensée avait manqué de la faire chuter dans un gouffre mental au fond duquel elle refusait de plonger. Depuis, elle s’était intoxiquée elle-même. Intoxiquée de travail, soûlée d’heures de pratique et de besognes sans fin.

De Gordon Cummins, le lecteur saura tout : officier de l’armée Britannique, doté d’une vision scotopique, charmeur, enrôleur et terriblement dangereux. Il choisit ses victimes au gré de ses rencontres, les met en confiance et les assassine sauvagement.

La police, quant à elle, ne dispose d’aucun indice et la panique s’installe dans un Londres dévasté par la guerre et en ruines.

 

Un récit qui s’inscrit dans la même lignée que « Retour à Whitechapel » paru en 2013.

Les dénominateurs communs :

* Un assassin qui n’est pas sans faire penser à Jack l’Eventreur, ses victimes étant toutes, dans un premier temps, des prostituées ;

* Beaucoup de similitudes dans le modus operandi,

* Amelia Pritlowe.

 

 

Les points forts de ce roman sont :

* Une atmosphère parfaitement retranscrite. Michel Moatti excelle dans l'art de faire revivre une époque endeuillée par la guerre, la souffrance et la peur et s'attache à travailler ses personnages. L'émotion sera souvent palpable au fil des lignes.

* Un style remarquable et très riche faisant de cet ouvrage une lecture de qualité.

Le vent s’engouffrait en miaulant dans Wardour Street. Chargées de minuscules flocons de glace, les bourrasques obligeaient les rares passants à courber l’échine et à marcher la tête enfoncée entre les épaules. Au loin, les arbres de Saint Anne’s balançaient à la manière de pendules au milieu des ruines de l’église, avec de brusques sursauts qui faisaient craquer leurs bois. Plusieurs magasins de meubles bon marché se suivaient, avant de laisser place à un public bar, aux vitres bardées de planches entrecroisées et d’où montait un air de trompette. Devant le porche, abritées par un auvent, plusieurs filles discutaient dans la pénombre en tendant des chopes de bière. Chaque rire était suivi d’une gorgée, et chaque gorgée entraînait un nouvel éclat de rire. Pour tromper le froid, elles frappaient leurs souliers contre le pavé, dans une sorte de rythme qui suivait celui de la trompette. Deux soldats en vareuse sortirent du Prince’s Palace et échangèrent quelques mots avec les filles. L’une d’elles réclama une cigarette puis l’alluma en minaudant. Les soldats partirent, lentement, en direction de Duck Lane, et disparurent dans l’ombre. Une des filles alla rechercher des boissons pour le groupe, et le manège des rires et des lampées reprit. Une auto passa, beaucoup trop vite pour la visibilité qu’offrait la rue plongée dans les bourrasques et le blackout. Un mélange de neige fondue et de boue gicla sur les chevilles des filles, et elles firent un bond vers le porche, en insultant le chauffard.

"Blackout Baby" Michel Moatti"Blackout Baby" Michel Moatti

L’auteur rôde sur une histoire réelle qui s'est dérouléee durant l'hiver 1942 pendant le blackout londonien et, fort heureusement, suggère plus les événements qu'il ne les décrit. Probablement afin de mieux "coller à la réalité", il reste dans un schéma descriptif pendant plus du tiers du roman. Le ryhme ne s'accélère que tardivement.

Ce qui est un atout quand l'on sait que les faits sont inspirés d'une histoire vraie - celle de Gordon Frederick Cummins, aviateur dans la Royal Air Force, né en 1914 et connu comme le tueur de Blackout et Blackout Ripper qui a assassiné quatre femmes dans Londres en 1942 - mais qui peut aussi représenter un inconvénient quand l'on aime un rythme (un peu) plus soutenu.

En ce qui me concerne, le seul reproche que je puisse formuler est que, dans ce récit, plane trop l'ombre de Jack l'Eventreur, la seule raison pour laquelle j'avais arrêté la lecture de "Retour à Whitechapel".

 

Enfin, je ne pourrai clore cette chronique sans mentionner une attention particulière : le fil conducteur des trois nonnes voilées de gris souvent vues à Londres...

S'agirait-il des "filles de la nuit", les sombres et noires Erynies vengeresses, ou des trois Parques, celles qui poursuivent les crimes des dieux ou des hommes ?

La question reste posée.

 

 

HC Editions

19,90 euros

351 pages .

"Blackout Baby" Michel Moatti"Blackout Baby" Michel Moatti
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