"Fin d'Amérique" Damien Ruzé
Une voiture vient d’être repêchée dans la Loire. Utilisée lors d’un braquage qui a mal tourné, les conducteurs ont également, dans leur fuite, fauché une jeune fille qui a dû être amputée de la jambe.
Dans le coffre, un corps : celui de David Lagardière, acteur de films X série B et fils de JM Lagardière, ex secrétaire d'Etat.
Le lieutenant Zollinger aura tôt fait de se rendre compte que cette affaire est loin d’être banale lorsqu’il commencera à enquêter sur la victime. Un homme qui brûlait la vie par les deux bouts et qui était très mystérieux, même avec ses proches.
Scandales politiques, magouilles financières, le voile commence doucement à se lever.
Mais quand Zollinger devient la cible des tueurs, la chasse est ouverte.
Une enquête avec pour décor de fond la Sologne et ses immenses forêts.
Humour, dérision, sens de l’observation aiguisé, Zollinger est un fin limier à qui rien n’échappe. Loup solitaire, il préfère faire cavalier seul et refuse le travail d'équipe. C'est avec parcimonie que Damien Ruzé nous livrera les pensées les plus intimes de son héros principal et nous découvrirons qui est réellement ce personnage ainsi que les pensées qui l'animent.
Mélange des genres pour ce polar au style à la fois très littéraire dans certaines descriptions mais également assez cru et violent dans certaines répliques. Etonnant contraste pour cet auteur qui manie parfaitement les variations du récit et qui adapte sa rédaction au gré de la narration. Un style en adéquation avec chaque partie du récit.
"Fin d'Amérique" n'est pas une simple enquête policière mais aussi l'analyse des sentiments, des rapports humains, de la vie. Loin de l'image du flic dépressif et ténébreux que l'on rencontre souvent dans certains romans, Zollinger aime la vie, il apprécie de pouvoir en profiter et savoure l'instant présent. Son rapport avec la nature est fusionnel et l'on découvre un Zollinger amoureux, tant de cette nature qu'il affectionne particulièrement ; que de Reine, jeune institutrice, qui tiendra un rôle dans un premier temps assez secondaire mais arrivera sur le devant de la scène dans le dernier volet de l'intrigue.
Une dernière partie qui s'accélère, où les mots s'affolent, où la tension est palpable, où les phrases deviennent brèves et concises, où la peur et l'inquiétude tournent à l'unisson et ne font plus qu'un.
En conclusion, un polar bien ficelé et original de part ce mélange des genres avec, en prime, quelques scènes à la Tarantino. Et une présentation qui mérite d’être soulignée : une couverture sobre mais suffisamment explicite et surtout de qualité : cartonnée et rigide et n’étant pas sans rappeler les anciennes « Série Noire ».
Les bois étaient plongés dans un noir profond et des langues de bouillard s’étiraient sur la route dans la lueur des phares restés allumés. A une vingtaine de mètres du capot, à la limite où le faisceau des codes abdiquait face à la nuit épaisse, je vis deux points lumineux qui se mouvaient sur la droite du mastic de la chaussée. Puis le cerf traversa doucement, le port majestueux, la tête bien droite devant lui. Je comptais dix corps. Arrivé à hauteur des marquages fluorescents, le bestiau s’arrêta, ses longues pattes chevauchant les pointillés, statufié, puis tourna sa tête magnifique vers moi. Je portai ma main tendue à ma tempe en un salut respectueux.
« En te souhaitant une belle nuit, partner », dis- je.
Le cerf reprit sa progression vers le fossé qui séparait l’asphalte de la forêt. Lentement. Sans se presser. Ses muscles saillaient sous le pelage de ses hanches. Attendre et observer.
Editions Krakoen
376 pages
16 euros
Prochaine chronique : "Jusqu'à la fin" Carlène Thompson
Editions du Toucan Noir
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