30 May

"Lames de fond" Chris Costantini

Publié par Les Polars de Marine

Thelenious Avogaddro dit « Thel » est détective privé à Manhattan. L’heure est au bilan. Désastreux. Pas une affaire en cours. Jusqu’au jour où une femme sollicite ses services. Une bien étrange cliente, des plus énigmatiques. Cette femme d’un âge avancé commencera par raconter son histoire, ses origines, sa vie. Orpheline de mère à l’âge de quatre ans, elle n’a jamais connu son père. Le jour où elle reçoit un appel d’un avocat lui faisant part du décès de celui-ci ; Ingrid Malowre, qui avait été adoptée, apprend qu’elle s’appelle en réalité Ingrid Schwarzbrod. Ses jours étant comptés, elle veut en savoir plus et décide d'engager Thel. Comme point de départ de cette enquête un indice bien maigre : une vieille carte postale.

Elle plongea des doigts fins comme le bec d’un flamand rose dans le tréfonds de son sac et en extirpa une pochette plastifiée qu’elle me tendit. A l’intérieur, une carte postale en noir et blanc jaunie, pigmentée de salissure brune. Cartonnage épais, coins abîmés. On y voyait des maisons blanches à l’architecture arabisante, sur un promontoire en bord de mer. Quelques barques sur la grève. Vers la droite, sur fond de palmiers, deux embarcations de type boutre, ce bateau arabe à voile triangulaire. Une ligne courbe contournait deux bateaux de pêcheurs et séparait une partie basse réservée au texte. En typo de machine à écrire se détachait la légende : Stone Town 1945.
- C’est en Tanzanie, non ?
Elle acquiesça. La capitale de Zanzibar. L’Est de l’Afrique, sur l’océan Indien. Une écriture fine en allemand emplissait l’espace consacré.

« Ma chérie. Je suis assis sur un tas d’or grâce à mes oreilles.
Je vous rejoins dès que je le peux et à nous la belle vie !
Embrasse notre petite Ingrid. H » traduisit-elle.

Pour le moins énigmatique, à moins que ce gars eût des oreilles de Mickey qu’il exhibait dans les foires. Dubitatif, je retournai la pochette avec précaution. Sous l’intitulé « post card » placé au centre, une adresse : Gertrud Schwarzbrod, 262 Highland street. New Jersey. United States. En haut à droite, la plus grande partie du tampon dateur mangeait un timbre collé à l’envers.

Que s’est-il donc passé pour cet homme qui n’a jamais rejoint sa famille ? Entre Mossad et secrets de la Kriegsmarine, l’auteur nous offre une immersion dans les heures sombres de la Seconde Guerre Mondiale et nous livre une hypothèse très personnelle sur ce qui aurait pu advenir du trésor des nazis.

Un début pour le moins prometteur mais une suite qui prend parfois des allures de cours d’histoire et où l’on pourra déplorer quelques longueurs. Le rythme de l’enquête aurait également gagné à être plus soutenu.

J’ai toutefois apprécié le personnage du détective du début du roman où l’on pourrait presque imaginer entendre la voix rocailleuse du narrateur. Au fil de l'écriture, on voyagera avec cet homme meurtri par la souffrance et maintenu dans un état de solitude permanent par le vide creusé par la perte des êtres qui lui étaient chers. Vide qu'il ne peut combler. Cette souffrance sera décuplée par un évènement dont il se sentira directement responsable. Le style, quant à lui, est très travaillé et le lecteur aura plaisir à voyager en Afrique et ne pourra qu’être sensible aux paysages. L’atmosphère des différents pays que traversera Thel y est remarquablement bien décrite. Précision et observation font la force de ce roman à très forte connotation historique. Toutefois, l’enquête y est secondaire et une des faiblesses principales est la légèreté de l’intrigue.

En conclusion, un roman qui se situe à mi-chemin entre roman policier et roman historique.

Le site de l'auteur

Chris Costantini est né le 14 juin 1960 à Libreville au Gabon. Il obtient en 2009 pour son premier ouvrage « La Note Noire » le prix du premier roman du Festival de Beaune.

Deux ans plus tard, il publie son second roman : « A pas comptés » qui sera finaliste pour le prix de la Plume de Cristal au Festival international du film policier de Liège.

Editions Glyphe

256 pages

16 €

Prochaine chronique : « Niceville » de Carsten Stroud

Editions du Seuil

Sortie le 6 juin prochain

RENCONTRE AUTEURS LECTEURS DU DIMANCHE 2 JUIN A PARIS