"Après la fin" Barbara Abel
Un soir. Une femme paniquée appelle le commissariat. Sa voisine serait entrée chez elle et elle craint que sa vie ne soit en danger.
Quelques semaines plus tôt :
Milo est âgé de 15 ans. L’âge de l’adolescence dans « toute sa splendeur » et de la révolte. Une période qui s’avère déjà être difficile au quotidien pour tout parent, mais encore plus pour Sylvain et Tiphaine qui ne sont pas les parents naturels de Milo, adopté 7 ans auparavant ; ce que le jeune garçon ne manque pas de rappeler à ses tuteurs à l’occasion de leurs disputes.
L’arrivée d’une nouvelle voisine et de ses deux enfants : Inès et Nassim réjouissent cette famille et surtout l'adolescent qui voit, d’un œil assez intéressé, l’installation de la jeune fille de deux ans à peine sa cadette. Nora vient de quitter son mari. Après 18 années de vie commune, la routine ayant eu raison de leur couple, elle a décidé de partir.
La maison qu’occupe Nora était celle de Sylvain et de Tiphaine et Nassim occupe l’ancienne chambre de Maxime, leur fils qu’ils ont perdu suite à un drame alors qu’il n’était âgé que de huit ans, l’âge actuel de Nassim. Sept années se sont donc écoulées mais les plaies sont bien loin d’être cicatrisées pour ce couple qui a vu sa vie basculer dans l’horreur en perdant leur fils unique.
Les personnages de cette fiction ne sont pas des héros mais des individus ordinaires avec leurs forces et leurs faiblesses, comme tout à chacun.
Milo est un jeune adolescent qui se construit difficilement, sa vie ayant basculé à tout jamais alors qu’il n’était qu’un enfant.
Milo entretenait des rapports compliqués avec le monde extérieur. Il faut dire que la vie ne l’avait pas épargné lorsque, à sept ans, il avait coup sur coup perdu la plupart de ses proches. Maxime pour commencer, son ami de toujours, son frère de sang et de lait, son indissociable binôme, celui avec lequel il avait partagé presque chaque instant de sa prime enfance. Son parrain ensuite, un vieux bonhomme au tempérament bougon, aux manières rustres et au vocabulaire fleuri, mais qui fondait littéralement chaque fois que l’enfant le sollicitait pour jouer avec lui ou lui lire une histoire.
Et puis le drame ultime, celui dont on ne se relève jamais ; le néant qui dévore, le vide qui engloutit, l’abîme qui aspire tout. L’incompréhension ensuite qui entraîne la colère, l’amertume et la peur. La douleur enfin, féroce, implacable, éternelle.
Depuis le drame, Milo s’était refermé sur lui-même. La souffrance avait distillé son venin dans le cœur du petit garçon, avec cette idée obsessionnelle que tous ceux qu’il aimait finissaient par mourir. Dans son esprit tourmenté, l’affection qu’il portait aux autres contenait un poison mortel qui ne leur laissait aucune chance de survie. Sans qu’il ne comprenne comment ni pourquoi, il était affligé d’un mal mystérieux qui rendait meurtrière toute émotion éprouvée pour quelqu’un. Il souffrait d’amour criminel.
Alors, il ne s’attacha plus à personne.
Il apprit à enfouir au plus profond de lui toute forme de sentiments pour ne laisser place qu’à une indifférence polie. C’était à ses yeux une question de vie ou de mort.
Apprécier quelqu’un mettait cette personne en danger.
Dès lors, ne pas l’aimer devenait une preuve d’amour.
Le personnage de Tiphaine est toujours aussi torturé que dans « Derrière la haine ». Elle porte avec le deuil de son fils le poids de sa souffrance et la douleur est toujours aussi vive et intense qu’il y a sept ans.
Mais comment pourrait-il en être autrement, la perte d'un enfant étant le drame le plus terrible que puisse connaître des parents. L'oubli est un mot qui, dès lors, est rayé du vocabulaire ; la douleur, la souffrance, le vide, le manque cruel devenant quant à eux obsessionnels. La vie se mue en fardeau et voir le bonheur des autres, entendre les rires d'autres enfants, les voir jouer, grandir, se construire devient un véritable supplice. Certes, elle a désormais Milo mais un enfant ne remplaçant jamais un autre, elle ne vit pas mais subit le quotidien et sera capable du meilleur comme du pire, mais surtout du pire…
Sylvain est, quant à lui, lié à tout jamais à Tiphaine par un terrible secret dont la révélation pourrait engendrer des conséquences dramatiques pour le couple et pour Milo.
Nora est une femme qui vient tout juste de quitter son mari et qui prend conscience des difficultés liées à la vie quotidienne avec ses deux enfants qu’elle doit assumer une semaine sur deux. Pour subvenir à ses besoins ainsi qu'à ceux de sa famille, elle devra retrouver un travail.
Inès est une jeune adolescente qui connaîtra ses premiers émois amoureux et Nassim un petit garçon très réservé et introverti.
Alexis, l’ex-mari de Nora jouera quant à lui, et surtout malgré lui, un rôle prépondérant dans ce drame.
Ces personnages sont les protagonistes de cette histoire, d’autres joueront un rôle plus secondaire.
« Jusqu’à la fin » est le second volet de « Derrière la haine » publié en 2012. Il peut se lire indépendamment mais il est toutefois préférable d’avoir lu le premier afin de mieux comprendre certaines allusions qui n’auront pas le même impact si le lecteur ignore ce qui s’est passé précédemment.
Barbara Abel plonge de nouveau le lecteur dans une ambiance pesante et angoissante. Mais à la différence du premier volet, ce sont d’autres sentiments qui sont analysés et décortiqués : les premiers amours, mais aussi la jalousie, la colère et la rancœur.
L’âme humaine est bien difficile à sonder et le manque de communication peut engendrer des quiproquos ainsi que des conséquences pouvant s’avérer être désastreuses.
Entrez dans l’univers de ces deux familles voisines simplement séparées par une haie et vous éprouverez beaucoup de difficultés à en sortir tant que vous ne connaîtrez pas le fin mot de l’histoire. L’écriture n’est pas rapide, les rebondissements ne sont pas nombreux mais c’est justement ce qui fait la force de ce récit. L’ambiance est lourde, pesante et la tension monte crescendo. Les sentiments y sont remarquablement bien décrits. Quant à la folie, elle n'est pas bien loin, même si dans le cas présent, elle est sournoise et latente. Elle évoluera tout au long du récit pour, dans les dernières pages, atteindre son paroxysme.
Tout comme "Derrière la haine", « Jusqu’à la fin » est un roman à conseiller. Certaines questions n'étant pas résolues dans ce deuxième volet, ces deux ouvrages pourraient très bien faire partie d’une trilogie. A suivre…
Editions Fleuve Noir
332 pages
18,50 €
Prochaine chronique : "Leonis Tenebrae" de Jean-François Thiery
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