'Derrière les remparts' Anna Jansson
Mona
Jacobsson se souvient. Quelques instants de bonheur fugaces. Mona n’est pas une femme à qui la vie a sourit. Et ce, depuis sa plus tendre enfance. Entre un père autoritaire, acariâtre et violent
et un mari guère plus aimant, elle n’est pas plus heureuse dans son travail. Infirmière, elle est attachée au service de psycho-gériatrie.
Un soir, alors qu’elle éprouve le besoin de revenir sur les traces de son passé, elle assiste à une très violente altercation. Impuissante, telle la petite fille qu’elle était quand son père la battait, elle devient non seulement et malgré elle, témoin mais également complice du meurtre de son mari Wihlem en aidant l’assassin à cacher son corps.
Le commissaire Tony Trygvesson est chargé de l’enquête. Saisi de cette affaire, il la perçoit comme une dernière chance. Celle de se sortir de sa solitude, de son désarroi. Lui qui est marié à Lillemor, dont le couple bat de l’aile depuis assez longtemps et à qui le destin lui a arraché sa fille Erika à l’âge de 18 ans. Une tragédie qui a interrompu le cours de sa vie.
Beaucoup de personnages vont entrer en scène. Pour ne reprendre que les principaux, on pourra citer les 3 fils de Mona : Arne né alors que celle-ci n’était âgée que de 15 ans et dont elle a confié la garde à Cécilia ; Christoffer et Olov. Arne doit se marier prochainement avec Birgitta, une très belle jeune femme mais tout aussi énigmatique dont il est éperdument amoureux et qu’il risquera de perdre dans un accès de folie. Les inspecteurs Thomas Hartmann et Maria Wern tenteront également d’élucider cette étrange disparition. Car il ne s’agit bien dans un premier temps que d’une disparition, le corps n’ayant pas été retrouvé. Ces deux inspecteurs ont des soupçons immédiats concernant Mona.
… « Ils se tenaient sur l’escalier et l’observaient. Mona ralentit l’allure en dépit de la pluie. Elle n’osait pas penser qu’elle était sortie malgré son peignoir plein de sang et de boue. Elle enfonça ses deux mains dans ses poches pour essayer d’empêcher les bourrasques de soulever le tissu. Sa main droite effleura un morceau de métal froid. Elle laissa ses doigts tâter l’objet, la clé du tiroir de bureau de Wilhem. Elle la serra fort. Le tonnerre grondait autour d’elle. Un éclair déchira le ciel. Le jardin entier était plongé dans une pénombre grise teintée de violet, une obscurité apocalyptique. Le jour du jugement semblait arrivé. Un homme et une femme l’attendaient sous la véranda. Ils étaient venus en Ford blanche. La police ? Sans aucun doute. Approcher seule d’une groupe était pour elle déjà difficile en temps normal, mais à cet instant critique, c’était surhumain. Son corps se raidit et ses mouvements devinrent de plus en plus saccadés, ses pensées sombrèrent dans le chaos et le vertige. Le sifflement déchirant qu’elle entendait depuis un moment gagna en intensité. Le policier lui cria quelque chose à travers la pluie battante. Elle ne répondit pas, elle était incapable d’articuler un mot. »…
Parallèlement à l'enquête, la vie sur l'île de Gotland suit son cours. Le traditionnel 
festival médiéval bat son plein. Festival où tout à chacun
peut se dissimuler sous un personnage. Christoffer endossera le costume du bouffon, son frère Olov celui du chevalier à l’épée,…
« Moi, l’archange Michel, suis venu pour combattre le mal. Je vois à travers les remparts et les murs de pierre tes comportements libidineux, comment tu mesures en te servant d’aunes faussées et pèses avec des balances pipées. Prends garde à toi, ville de perdition, quand j’emporterai ton âme pour l’examiner ! Prends garde au jugement dernier, car alors je la pèserai sur mes plateaux et tes manquements apparaîtront au grand jour ! Car je suis l’archange Michel et mon épée à double tranchant séparera le bien du mal avant de terrasser le dragon. Neuf malfaiteurs, traîtres à l’encontre de l’humanité tout entière, tu as fait périr sur le bûcher parce qu’ils avaient empoisonné nos puits et semé la mort et la désolation autour d’eux. Mais le mal sévit encore dans tes venelles. »…
Et pendant ce temps, des décès se succèdent dans l’hôpital où travaille Mona. Décès n’ayant rien de naturel.
Nombreux étaient ceux dans le village qui avaient de bonnes raisons d’en vouloir à Wilhem Jacobsson, un homme violent et asocial. Mais qui a bien pu passer à l’acte ? Et surtout, pourquoi ? …« Tu es responsable. Tu te rends comptes de ce que tu as fait ? »…
Fidèle à la tradition du polar Nordique, ‘Derrière les remparts’ est un roman à déconseiller aux amateurs de sensations fortes et de rebondissements. L’enquête suit son cours mais ne constitue pas le nœud du récit. L’auteur a le sens du détail et de la précision. Beaucoup de descriptions desservies par une écriture remarquable. Une énigme en forme de puzzle où toutes les pièces s’emboîtent les unes dans les autres. On remarquera qu'une attention particulière est accordée à tous les personnages qui s'avèrent tous être assez complexes avec leur part d’ombre. Ce n’est que dans les toutes dernières pages que le voile sera levé sur l’assassin. Le lecteur se rendra alors compte que la haine peut être profondément enfouie et que le besoin de vengeance peut surgir à n’importe quel moment. Et parfois à celui où on s’y attend le moins.
Les sentiments sont l’abandon, la honte, la haine, le dégoût, l’humiliation et le désir de vengeance. Tous ces personnages endurent chacun leur souffrance et
portent le poids de leur passé sur leurs épaules 
tel un fardeau dont ils ne pourront jamais s’alléger, même une fois les responsables de ce mal être disparus. Quant à l’intrigue, elle se densifie au fil des pages et le lecteur
découvrira des légendes qui cachent en réalité de biens surprenants secrets telles ces mystérieuses lueurs transperçant les marécages.
Un récit où passé et présent se conjuguent à la même personne pour ne faire plus qu’un.
De nationalité Suédoise, Anna Jansson 
est née à Visby en 1958. Elle est, à ce jour, l’une des auteures de romans policiers les plus lues en Suède. Infirmière pendant de nombreuses années, ses romans
utilisent habilement sa parfaite connaissance de l'univers médical. Le personnage de Maria Wern est récurrent dans tous ses romans.
Editions Toucan Noir
377 pages
21 €
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