"Dictionnaire des littératures policières" / Claude Mesplède
Une fois n'est pas coutume, il ne s'agit pas d'une critique de roman mais d'une présentation d'ouvrage. Un ouvrage que tout passionné de littérature policière se devrait d'avoir dans sa bibliothèque.
Ce dictionnaire est une véritable 'mine d'or' et une excellente initiative. Edité en 2003, vous y retrouverez les plus grands et découvrirez également des auteurs que vous ne connaissez pas.
Le 'souci' à ce jour est qu'il y a presque plus d'écrivains que de lecteurs. Près de 1500 nouveautés par an, des bons auteurs, des moins bons. La littérature policière a le vent en poupe depuis plusieurs années et les rayonnages des librairies sont très bien fournis, voire trop parfois. Car on trouve de tout. Alors la question que l'on peut se poser est : "Comment s'y retrouver ?" La solution : les critiques des libraires (encore faut-il qu'ils aient lu le roman concerné ou qu'ils connaissent l'auteur dont vous êtes à la recherche...), des blogueurs, le net.
Une autre solution est : un dictionnaire. Un travail colossal puisque ce dictionnaire est en deux volumes de près de 1000 pages chacun. Cette réalisation aura nécessité de nombreuses années de travail, la collaboration de plus de soixante-dix critiques, écrivains, universitaires, bibliothécaires.
Mais qui est donc Claude Mesplède ?
Honnêtement, il s'agit là d'une très vaste question. Il n'y a qu'à faire une recherche sur google pour trouver de multiples pages le concernant. Alors, je vais essayer de résumer du mieux que possible.
Claude Mesplède est aujourd'hui critique et historien du genre policier. Né en 1939, il travaille en premier lieu comme technicien à Air France et ne devient critique de littérature policière qu'en 1981. Chroniqueur pigiste pendant 4 ans pour le site Amazon.fr. De 2004 à 2007, il fut conseiller littéraire du festival du polar de Saint-Quentin en Yvelines. Il a également été Président de l'association des amis de la littérature policière pendant 3 ans, entre 1995 et 1998. Lecteur pour les éditions Rivages, l'Atalante, le Rocher, directeur de collection, auteur. La liste est très longue.
Conférencier sur la littérature policière, il intervient régulièrement dans les stages de formation des bibliothécaires. Il a participé à des colloques internationaux à Berlin, Barcelone et Mexico. Membre permanent de plusieurs jurys littéraires (Grand prix du roman noir de Cognac et à présent de Beaune, Président du jury du prix Lyonnais - Quai du Polar - 20 minutes ; Prix du polar de Montigny, Prix mystère de la critique).
Enfin, Président de l'association 'Toulouse Polars du Sud' depuis 2008.
Ses ouvrages :
1982 : Voyage au bout de la noire.
Biographie, bibliographie et filmographie de 732 auteurs de Série Noire et Série Blême (1945 à 1980), Trophée 813 de la meilleure étude policière de l'année.
1985 : Voyage au bout de la noire. Tome 2. 72 nouveaux auteurs (1980/1985)
1988 : Pas de peau pour Miss Amaryllis. Histoire policière pour enfants
De 1992 à 1995 : 4 tomes des 'Années Série Noire' reprenant chacun l'analyse de titres (résumé de l'ouvrage, jugement critique, citation, curiosités). Trophée 813 de la meilleure étude policière de l'année.
1995 : chroniques au noir
1996 : Le cantique des cantines
1996 : Les auteurs de la série noire
1999 : Joyeux Noëls
2000 : Les années Série Noire tome 5
Claude Mesplède a donc préféré se spécialiser dans la critique plus que dans l'écriture de romans. Et quand on lui demande pour quelle raison il a si peu écrit de romans, il vous répondra qu'il y a de bien meilleurs auteurs que lui, qu'il trouve sa façon d'écrire 'bien plate' et déclare qu'il n'a pas d'ambition littéraire. A la lecture de ces propos, on pourrait donc paraphraser une déclaration trouvée sur le net : 'Sa modestie n'a d'égale que son érudition littéraire'.
Il préfère transmettre le virus de la lecture aux autres et faire partager ses passions.
Boulimique de lecture, il devient spécialiste du roman noir américain. Pour lui, un excellent moyen de 'conjuguer le plaisir de la lecture avec l'enrichissement de ses connaissances sur le monde passé et présent'. 'La moisson rouge' de Dashiell Hamett est le roman qui l'a le plus marqué et qui a déterminé sa rencontre avec le roman noir. Un roman où l'auteur dépeint avec force la société capitaliste, la prohibition et la répression syndicale.
Je remercie vivement Claude Mesplède d'avoir pris le temps de répondre à quelques questions le concernant.
D'où vous vient cette passion pour le roman policier ?
J'ai lu dès neuf ans classiques et polars en alternance sans jamais d'a prioiri. Les connards qui prétendent tout savoir sur tout et imposer leur bêtise aux autres, prétendaient l'époque que les lecteurs de BD, de SF et de polars étaient des sous-développés du bulbe rachidien et qu'ils perdaient leur temps. Ils continuent aujourd'hui mais tout le monde s'en moque, tandis qu'à mon époque, ils ont culpabilisé des lecteurs. Pour ma part, lors de mon passage au collège durant ma seconde (ma dernière année d'étude avant de devenir apprenti à Air France), un pion rigoriste m'a confisqué deux polars à quinze jours d'intervalle. J'étais en rage car je n'avais guère d'argent pour me payer des livres et ma révolte doit avoir commencé à cette époque. Ensuite, j'ai voulu rendre hommage à tous les forçats de la plume et garder une trace dans un dictionnaire, hommage mérité pour avoir diverti tant de personnes.
Un ou plusieurs conseils que vous pourriez donner à un auteur de polars...
Lire et relire les classiques. S'ingénier à démonter la façon dont tel ou tel chef d'oeuvre est construit. Prendre des notes pour retenir des dialogues réussis, pour retenir telle ou telle scène et la façon dont elle a été amenée. Comme il n'y a pas d'école d'écriture en France à la manière des anglosaxons (les ateliers d'écriture que j'ai connus étant plutôt des séances d'écriture psychanalitiques), chacun doit apprendre seul et pour celà prendre des notes sur les autres afin de garder ce qui est bien fait.
Quels sont vos auteurs favoris ?
Maupassant, Flaubert, Daeninckx, Hammet, Chandler, Thompson, Sépulveda, Benacquista, Pouy, Raynal, Malte, Pascal Garnier, Denis Lehane, Mildred Davis, Jean Amila, James Ellroy, Kim Thompson, John le Carré,...
Quel est votre héros dans la vie réelle ?
Nelson Mandela
Ce que vous détestez le plus est...
La bêtise et l'égoïsme
Ce que vous préférez le plus est...
rester fidèle à ses idées
Une devise ?
Une seule certitude : le doute
Votre loisir préféré ?
le travail
La qualité que vous préférez chez un(e) ami(e) est ...
la générosité
Votre défaut et votre qualité principales sont :
Râleur et attentionné.
Quel est votre trait principal de caractère ?
Je crois que c'est la constance, l'obstination, ce qui m'a permis de mener à bien la mise en fiches de 2500 séries noires et d'écrire 75 % du dictionnaire des littératures policières. Généralement de bonne humeur, je me lève le matin en chantant (comme Guy Béart) et j'essaie de garder le sourire le plus longtemps possible.
Ce que vous voudriez être ?
Légèrement plus grand (1,80) et savoir jouer du piano, le reste sans changement.
Et si on pouvait tout recommencer à zéro, choisiriez vous la même vie que celle que vous avez eue ?
A quelques nuances près, oui, je choisirais la même vie. J'ai trois enfants que j'adore et j'aurai regret à ne pas les connaître si j'avais changé ma vie. Même chose pour mon épouse qui m'a sans cesse soutenu dans mes travaux et sans elle, sans son aide, ses conseils, ses suggestions et même ses critiques, je ne serai pas l'homme que je suis.
Deux voeux que vous voudriez voir réalisés par dessus tout ...
Que mon fils au chômage depuis deux mois retrouve rapidement un emploi à Toulouse. Que le socialiste qui sera élu président prenne enfin des mesures concrètes pour que la loi du marché ne fasse plus la loi et que des milliers de mecs sans boulot puissent refaire surface.
Qu'est ce qui, selon vous, fait un bon polar ? Quels sont les ingrédients de la réussite ?
Le mot 'ingrédient' ne fait pas partie de mon vocabulaire dans le domaine littéraire. Je veux dire par là qu'il s'agit d'un synonyme de recette. Cela ne m'intéresse pas car la création littéraire ne peut se concevoir qu'en dehors du roman préfabriqué. Je sais que des auteurs écrivent en usant d'ingrédients, ils sont ce qu'on appelle des faiseurs et j'évite ce type de bouquins. Les qualités que je demande à un livre sont d'être bien écrit, et de me captiver avec un sujet qui ne soit pas la énième version d'un même sujet. Ainsi, les serial killers m'emmerdent au plus haut point. J'aime évidemment des bouquins dans lesquels les personnages ont une certaine densité et que leurs dialogues soient suffisamment proches du réalisme afin d'en crédibiliser l'ouvrage.
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