'Les particules et les menteurs' Tonton l'art et la manière de Samuel Sutra
Le premier Tonton de la série ayant été un réel coup de cœur, je n’ai pu laisser le second de côté ni résister à la tentation. Ma curiosité se devant d’être satisfaite, il a très vite quitté les rayonnages de ma bibliothèque. Qui plus est, les polars humoristiques n’étant pas monnaie courante et la perspective de me plonger dans une lecture divertissante étaient deux conditions suffisantes pour le lire sans plus attendre.
Tonton, flanqué de son acolyte Gérard a un plan en tête. Un plan qu’il ne veut en aucun cas lui dévoiler. En tout cas, pas dans l’immédiat. Parce que Gérard est certes un des fidèles bras cassés de Tonton mais ce n'est vraiment pas lui qui a inventé le fil à couper le beurre. Alors Tonton doit s'adapter et faire avec. Une des raisons pour lesquelles il le ménage. Des informations à petites doses, au risque de saturer son esprit et d'embrouiller sa cervelle de moineau. Tonton prépare donc son coup ‘le coup qui nous attend, c’est du lourd, mais avec une marge de manœuvre en dessous de zéro’. L’idée de Tonton étant de faire passer Gégé pour ‘un mec truffé de bonnes manières et prendre sa place sans se faire tapisser dès qu’il aurait ouvert le bec’. Mais l’apprentissage risque d’être bien laborieux.
‘Alors, mon tout petit, voilà. Là, c’est un fruit. Dans la haute, un fruit, on le choppe pas à pleine main pour mordre dedans, au risque de se faire un ravalement de sa chemise à dix sacs à coup de jus qui colle. On l’épluche délicatement, sans y mettre les mains, à l’aide de ces ustensiles. T’as déjà dû en voir des comme çà à la télé, ce sont des couverts. Allez, montre-nous comment tu sais manger propre, on te regarde. Gérard tendit à Tonton un regard où l’incompréhension le disputait à la défiance. D’un hochement de tête rassurant, le patron encouragea son poulain à accepter l’expérience. Par provocation, Donatienne porta sa montre à hauteur des yeux. Elle n’eut pas le temps de voir trotiller l’aiguille qu’une seconde ou deux avant que la pêche ne passe pas par la fenêtre en emportant un carreau, le couteau se retrouvant plié à angle droit, la pointe traversant la table basse’.
Gérard n’est pas au bout de ses surprises. Une substitution, voire un enlèvement, un tableau à ‘récupérer’. Mais pas n’importe quel tableau, celui de ‘la dame aux godasses’. Une véritable croûte. Pourquoi ce tableau en particulier ? Tout simplement parce que David Chicaude personnage et ‘monument dans le métier’ a déjà essayé de le dérober. Tonton, intrigué, se demande pour quelles raisons celui-ci est tant convoité par un de ses rivaux. Ce tableau vaut de l’or. Mais l’original ne se trouve pas, contrairement à ce que l’on pourrait penser, dans un musée ni dans un coffre fort, mais tout simplement pendu à son clou. Et l’idée finale n’est pas des moins originales. Tout simplement revendre ce tableau à ce truand qui s’avère être l’une des plus grosses fortunes du globe...
Ce que j’apprécie le plus chez cet auteur est sa capacité à rendre vivants ses personnages, tous aussi loufoques les uns que les autres : la baronne Donatienne de Gayrlasse, qui fait son entrée en scène dans un peignoir en éponge avec des mules à fleurs aux pieds et une gauloise roulée main plantée au coin du bec, vivant dans un magnifique hôtel particulier caché en plein cœur de Paris et tellement surdimensionné que ‘l’on devrait pouvoir amarrer le Queen Mary au robinet de la baignoire’ ou ‘recevoir un billard par voie postale’. Quant aux autres personnages, prononcez leur nom à voix haute pour comprendre : le Docteur Moreau-Défunt, le Docteur Mornaute, les familles Rompay-Laran et De la Taille, Gabrielle Thévay-Foulacheday et le casino d'Houvray-lès-Guillemay. Sans oublier le célèbre 'Mamour' acolyte récurrent de Tonton et le chien Kiki.
Si vous n’avez jamais ‘goûté’ de Samuel Sutra, il est plus qu’urgent de réparer cette ‘erreur’. Un genre totalement différent de ce que nous avons pour habitude de lire, une lecture qui vous fera rire. Une parfaite antidote à la morosité.
Ce que j’aime chez cet auteur ? L’absurdité et la cocasserie de certaines situations et cet humour totalement décalé, mais en aucun cas et jamais vulgaire. Un second opus pour Tonton où l'auteur ne se départit pas de son imagination. Des répliques toujours aussi savoureuses et une comparaison entre le mariage de 'la haute' et celui des 'gougnafiers' qui m'a bien fait rire.
Samuel Sutra est né en 1974. Naviguant entre jazz et littérature, cet ancien étudiant en philosophie à la Sorbonne dévoile ici son approche décalée de l'écriture. A trop se pencher sur les questions fondamentales de l'existence, parfois l'esprit bascule, et vise quelque chose de bien plus grave : faire rire, le plus sérieusement du monde.

Si vous voulez d'autres avis de chroniqueurs, je vous propose de lire également celles de l'Oncle Paul et de Pierre Faverolle (Black Novel)
Black Novel la chronique de Pierre Faverolle
Je me permettrai enfin et pour conclure de reprendre une phrase de l'Oncle Paul dans sa chronique tant je la trouve originale et totalement appropriée : "Un ouvrage qui engendre la bonne humeur et devrait être remboursé par la sécurité sociale en lieu et place des anxiolytiques, antidépresseurs et autres panacées supposées remettre le cerveau en place mais qui provoquent parfois des dommages stomacaux".
Editions Terriciaë
144 pages
12 euros
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