"Djebel" Gilles Vincent
Ce dernier jour en Kabylie, Antoine ne peut l’oublier. Le désespoir et la honte ont eu le dernier mot. Il ne reverra jamais les siens.
Plus de quarante années ont passé.
Sébastien Touraine, ex-flic reconverti en détective, reçoit la visite de Viviane Damesco : la sœur jumelle d’Antoine. Celle-ci a reçu un appel de Sylvie Michaud, épouse de René qui était un des anciens compagnons d’armes de son frère. Ce qu’elle vient d’apprendre la bouleverse. Elle missionne Touraine pour découvrir la vérité.
Le petit Berthier n’était pas mort au combat. Que ça, c’était la version officielle, celle qu’on les avait obligés à dire. Qu’en fait, Antoine s’était suicidé sur le bateau de retour, devant tout le monde. Que c’était un gamin qui vivait une souffrance insupportable et qu’il avait pété les plombs. Que ce gamin avait une sœur, Viviane, dont il nous rabâchait les oreilles et qu’il fallait lui dire, à cette sœur, si Dieu lui prêtait encore vie. Tout lui dire.
Viviane veut savoir quel est ce terrible secret qu’on lui a caché pendant toutes ces années et surtout pour quelle raison. Elle remet une liste à Touraine. Des hommes qui pourront lui apporter les réponses à ses questions. Mais au fil des visites, celui-ci n’en trouvera pas un seul qui pourra lui parler ; tous étant morts de mort suspecte.
C’est avec Aïcha Sadia, jeune femme d’origine kabyle, aujourd’hui commissaire, qu’il va remonter les traces de l’histoire. Une collaboration au début assez houleux mais qui, à la suite d’une épreuve aussi imprévue qu’improbable, va souder ces deux personnages. Deux personnages au caractère fort et déterminé.
Elle, à qui tous ces événements rappellent son enfance et ses peurs.
Les récits des règlements de comptes du printemps 1962, ravalés depuis la jeunesse, lui remontaient à la gorge. Toutes ces conversations de grands, écoutées en cachette, tous ces cris de petites filles violées, de garçons égorgés devant les parents, toutes ces atrocités qui, à ses yeux, avaient à jamais entaché l’indépendance de son pays d’origine, toute cette sauvagerie lui avait envahi le ventre, la tête, jusqu’à faire déferler en elle un torrent d’anxiété. L’unique sortie de secours qui s’offrit à elle fut de s’engouffrer dans une logique de diversion, un raisonnement qui retarderait le plus possible l’heure de regarder les choses en face.
Lui, encore meurtri par la perte de sa compagne Emma et qui porte le poids de sa peine et de sa solitude.
« Djebel », c’est la souffrance, la rancœur, la haine, la peine. « Djebel », c’est aussi l’amour, la liberté et la vie.
« Djebel », c’est une écriture concise, tranchante, sans fioritures inutiles, un style irréprochable.
« Djebel », c’est l’Emotion avec un grand « E ».
« Djebel », c’est le souvenir. Le souvenir de ces horreurs vécues au nom de la liberté. Le souvenir de cette guerre, surnommée « la sale guerre » qui, au bout de 92 mois de conflits, a laissé des centaines de milliers de morts. Un conflit interminable, atroce, marque par de multiples tortures, tant physiques que psychologiques.
« Djebel », c’est un formidable roman noir où les souvenirs liés à cette époque et la partie historique ne sont pas omniprésents mais où l’enquête est prédominante et le fin mot de l’histoire totalement imprévisible.
Editions Jigal
254 pages
8,80 €
Prochaine chronique : « Barbecue mortel à Saint-Malo » de Chris Bourgault
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