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Férue de littérature policière, mes goûts sont très éclectiques : romans noirs, romans à suspense, thrillers, thrillers psychologiques ou polars. Face à la profusion d'ouvrages de littérature policière, il est parfois bien difficile de faire son choix. Je vous donne donc mon avis quant à mes lectures.

21 Nov

'Je ne vous aime pas' Eric Cherrière

Publié par lespolarsdemarine  - Catégories :  #Critiques

je ne vous aime pasUn jeune d’une cité vient de tuer le chien de son voisin, excédé par ses aboiements. Le capitaine Pierre Balési veut savoir où celui-ci a trouvé l’arme, une arme qui a servi pour 7 meurtres. Un interrogatoire musclé, des railleries de la part du jeune qui portent directement atteinte au policier. Perte de contrôle. Ce dernier lui fracasse le nez. Pierre Balési est un homme qui a une fâcheuse tendance à perdre son calme quand il est contrarié ou qu’il estime que le travail a été mal fait. Suite à la découverte d’un autre cadavre, une violente altercation entre celui-ci et le capitaine Gérard De Silva vaut aux deux hommes une rétrogradation d’affectation ; le film de la dispute ayant été diffusé au JT, ce qui a eu pour effet de ridiculiser la police Toulousaine. Pierre se voit donc retiré l’affaire.

 

Le capitaine Balési est un homme rongé par la solitude. Et par la maladie qui le gangrène : un psoriasis galopant qui a pour conséquence directe une odeur insoutenable pour lui-même et pour son entourage. Déjà complexé par son physique 1,59 mètre et ses cinquante trois ans qu’il traîne comme un fardeau, il a vu sa femme s’éteindre à petit feu pendant deux ans. Il n’a plus rien à perdre.

Donc…

…« Suite à sa mise au placard, Pierre a répondu aux questions d’un journaliste. Contre l’avis d’une hiérarchie qui n’avait plus de prise sur lui car elle ne peut pas l’enfoncer davantage, il s’est exprimé sans fard sur son métier, ses erreurs et sur une sanction méritée. D’autres articles dans d’autres journaux ont suivi dans lesquels Pierre ne déballait pas forcément mais parlait simplement. Jusqu’à toucher le lecteur. Sans dissimuler son identité, un flic osait aborder les relations qu’entretiennent les officiers de police avec le milieu, les extras en dope ou en cash qu’il lui était arrivé de détourner lors de perquisitions, la peur qu’il ressentait parfois face aux JV, les jeunes violents, lors d’interpellations ou encore le cercle infernal et vicieux dans lequel il enfermait les indics pour obtenir des renseignements. Les médias et l’opinion s’étaient instantanément passionnés pour cette figure de flic sincère. Violent mais efficace, coutumier du coup de trique mais aussi du coup de cœur. Dans tous les articles, un mot revenait toujours : intègre. Paradoxal mais imparable. En une semaine à peine, le capitaine Pierre Balési, mis au placard par un système vérolé, était devenu, aux yeux de l’opinion, le prototype du flic dont la police avait besoin pour ne plus avoir honte d’elle-même. »…

C’est donc contrairement à toute attente que le préfet de police lui demande lui-même de s’occuper de cette affaire et d’arrêter celui qui pourrait être en passe de devenir le plus grand tueur en série de tous les temps ; ce qui aiderait également à redorer le blason de la police nationale dont l’image est en berne depuis quelque temps. Ce qui en fera l’affaire la plus importante de ces derniers temps. Car pour le moment le meurtrier aurait à son actif pas moins de 39 victimes ! C'est donc en quelques jours à peine que Pierre Balési passe du statut de flic que sa hiérarchie était prête à mettre au placard à un quasi futur héros.

Quant au tueur, il est précis et redoutable. Intelligent, il se fond dans la masse, se veut transparent. Il va jusqu’à établir une charte avec ses dix commandements pour ne pas se faire prendre. Il observe insidieusement, allant même jusqu’à entrer dans la vie privée de ses victimes et décide le moment opportun pour agir. Pour assouvir ses pulsions, pour se libérer de cette haine qu’il porte en lui. Mais ces meurtres n’attisent pas sa folie meurtrière. Ils décuplent au contraire son envie de continuer. Un besoin viscéral de détruire. Les cadavres sont tous plus atrocement mutilés les uns que les autres, torturés. Des tortures qui semblent avoir été infligées avant la mort. Aucun point commun entre ses victimes qui semblent être choisies au hasard des rencontres. Aucun point commun, si ce n’est la barbarie, la haine et la violence dont ils ont fait l’objet avant de mourir.

Et le souci majeur est que, à la force d’une telle médiatisation, le tueur va prendre pour cible le capitaine et se sentir investi d’un pouvoir qui va décupler sa haine : ‘Un homme seul contre tout un peuple !’ Il va prendre cette traque comme un défi. Tueur, manipulateur, calculateur, il choisit ses victimes tel un animal choisit ses proies, c'est-à-dire sans logique aucune ; il est imprévisible et d’autant plus dangereux.

 

Une écriture au vitriol, des descriptions de scènes parfois insoutenables. L’auteur a voulu retranscrire une ambiance et donner à son roman une émotion particulière. Il ne mâche pas ses mots et brosse   en même temps le portrait décapant de la Société dans laquelle nous vivons. Les phrases sont cruelles mais réalistes. Bouleversantes, elles nous touchent au plus profond de nous-mêmes. L’analyse des sentiments est très juste. Telle la douleur des parents qui apprennent que leur enfant n’est plus de ce monde et a subi les pires sévices. Au-delà de la violence, il y a également la souffrance. Souffrance liée à l’oubli et à l’incompréhension. Ce tueur qui voit son père rongé par la maladie qui détruit lentement son cerveau, qui tente de trouver des réponses à ses questions et comprendre les raisons pour lesquelles il agit de la sorte. Mais qui ne peut en obtenir aucune. Ce tueur qui n’a jamais obtenu quelque réponse que ce soit, même du temps où son père était en mesure de lui en apporter. Ce tueur qui devient fou. Fou de ne pas savoir. Fou de ne pas comprendre.

Il y a aussi la souffrance de Richard, le médecin légiste et ami de Pierre qui est devenu un autre homme depuis le début de ces meurtres en série, qui a de plus en plus de difficultés à supporter tous ces corps mutilés et à devoir les autopsier. Manipulations, coups bas, vengeances,… tout est passé au crible.

 

‘Je ne vous aime pas’ est un roman qui soulève une problématique essentielle, un thème qui est malheureusement toujours en tête de liste des préoccupations essentielles de notre Société : la violence. Le lecteur sera tenté de s’interroger quant à son origine et de se demander quelles peuvent bien être les raisons pouvant entraîner une telle dérive. Les premières pages sont saisissantes. Un enfant qui, alors qu’il marchait à peine, s’infligeait déjà les pires sévices. Parallèlement, un homme : le tueur qui ôte la vie à des innocents et qui cherche les raisons de ses actes. Qu’est-ce qui peut pousser cet homme à vouloir faire le mal pour le mal, à tuer tous ces innocents de la façon la plus atroce qui soit en leur infligeant les souffrances de leur vivant ? Le besoin de domination ? L’impression d’exister pendant ces heures où il inflige ses pires tortures ? La volonté de toute puissance face à ces hommes ou ces femmes qui ne sont plus en mesure de se défendre ?  

L’auteur surprend son lecteur. Alors que celui-ci croit avoir compris, il découvre qu’il a été conduit sur une fausse piste et que les dés sont pipés.

Violence, sexe, personnages hantés par leurs démons ou cabossés par la vie. Tous les ingrédients sont réunis pour un pur thriller. Toutefois, des traits un peu trop accentués et des scènes parfois assez insoutenables en font, certes, un livre à conseiller pour tout amateur du genre mais à ne pas mettre entre toutes les mains.

 

 

 

‘Je ne vous aime pas’ a été eric-cherriere-1sélectionné pour le prix Polar SNCF 2010. Premier roman de l’auteur, le second est annoncé chez le même éditeur. A suivre…

 

 

Editions ‘Le cherche midi‘

484 pages

20 €

 

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B
Tes chroniques ont toujours l'art et la manière d'en dire assez mais pas trop, pour bien nous tenter !! voici encore un roman qui ne fera pas exception ! merci Marine !
Répondre
L
<br /> <br /> Merci à toi Brigitte pour le compliment ! <br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />

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