"Haut-le-choeur" Gaëlle Perrin Guillet
Alix Flament, journaliste, rédige sans conviction un article sur un sujet qui n’est pas sans rappeler un évènement qui a défrayé la chronique Outre-Atlantique à l’aube des élections présidentielles.
Un soir, un appel téléphonique ravive de bien mauvais souvenirs. Le passé ressurgit.
A sa sortie du tribunal, ce jour glacé de décembre, ce fut plus qu’elle ne pût en supporter. Elle plaqua tout du jour au lendemain et changea littéralement de sujet pour se consacrer au journalisme politique. Un grand écart nécessaire pour la paix de son âme.
C’était il y a six ans.
Six longues années et pas un jour sans y penser.
Pas une nuit sans revivre le cauchemar. Et comme à chaque fois qu’elle était seule dans les locaux du journal, ces instants sombres et magiques à la fois lui revenaient, sans que la jeune femme comprenne comment tout cela avait pu arriver.
Ce soir, dans le silence de son bureau, à peine troublé par le cliquètement des presses dans la pièce voisine, ses pensées ne dérogèrent pas à la règle. Elle tenta d’empêcher les mauvais souvenirs d’affluer, mais ils refusèrent d’obéir.
Peut-être qu’un jour la page se tournerait d’elle-même et que sa vie reprendrait un cours normal, ponctuée de nuits sans cauchemar et surtout, avec cette confiance retrouvée ne l’être humain, confiance qu’elle avait perdue depuis.
Un jour lointain.
[…]
Elle hésitait encore à envoyer son texte tel quel et à partir, quand la sonnerie du téléphone retentit dans la pièce, la faisant sursauter sur son fauteuil.
Qui pouvait bien l’appeler à une heure pareille ? Machinalement, elle attrapa son portable à l’autre bout du bureau et vérifia la batterie. Pleine. Il ne s’agissait donc pas de son époux qui n’aurait pas pu la joindre sur le portable. Elle laissa sonner encore un moment, dans l’espoir que cela s’arrête, mais la sonnerie continua à hurler dans le silence de la pièce, le plateau du bureau vitrait en rythme. En cliquant sur le bouton d’envoi de sa messagerie, elle se maudit de ne pas avoir enclenché le répondeur au départ de la secrétaire et décrocha vivement le combiné.
_ Allô ?
A l’autre bout du fil, un silence pesant. Tout juste un grésillement dans le combiné.
Puis enfin une respiration. Douce, régulière comme un métronome. Elle s’apprêta à raccrocher, mal à l’aise, quand une voix résonna dans le combiné.
C’était un timbre suave, délicat qu’elle connaissait bien. Trop bien même. Elle ne l’avait pas entendu depuis si longtemps. Cette même voix qui était à l’origine de son changement de vie, celle par qui le mal était entré dans sa vie sans crier gare et qui résonnait encore au plus profond de ses entrailles au beau milieu de ses insomnies. Une voix qui n’aurait jamais dû se faire entendre ce soir.
Eloane Frezet, tueuse en série, vient de s’évader de prison. La journaliste avait publié un roman d’entretiens avec cette femme qui s'était promis de la retrouver dès qu’elle ne serait plus derrière les barreaux.
Je te retrouverai…
Une évasion qui sera le point de départ d’un jeu de piste macabre. La traque qui s’engagera sera sans aucun temps mort. Machiavélique, Eloane Frezet est redoutable et ne laisse aucun indice derrière elle, rendant la tâche d’autant plus difficile aux policiers chargés de l’enquête. Pour l’arrêter, ils devront donc mettre à jour ses motivations et comprendre les raisons de ses agissements pour, éventuellement, la devancer.
« Haut-le-chœur » est un roman qui met en scène une femme prête à tout pour aller au bout de ses convictions. Un voyage aux confins de la folie où les portes de l'enfer s'ouvriront pour ne se refermer qu'une fois le point final apposé. Un final surprenant et bien pensé.
Un ouvrage fluide qui se lit très rapidement, voire trop rapidement car l’intrigue, simple et linéaire, aurait, en étant plus dense et tortueuse, apporté une dimension supplémentaire au récit. Certaines scènes auraient également pu être plus développées. Je pense surtout à la scène d'évasion ainsi qu'à la scène finale. Deux petits points négatifs qui n'altèrent toutefois en rien la lecture.
Quant au style, quelle belle progression littéraire depuis Au fil des morts chroniqué il y a deux ans. L’auteure, qui a vraiment gagné en maturité signe, dans le cas présent, un ouvrage parfaitement abouti. Elle a, au-delà des meurtres commis par cette femme que tout le pays recherche, très bien su retranscrire l’atmosphère oppressante qui sied au récit.
Enfin, une mention particulière pour le choix du titre et la couverture pour cette nouvelle maison d'éditions : Rouge Sang
En conclusion, "Haut-le-choeur" est un roman à conseiller.
Editions Rouge Sang
Format poche
278 pages
9,80 €
Prochaine chronique : « Alibi Club » de Francine Mathews / Editions du Toucan Noir
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