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Férue de littérature policière, mes goûts sont très éclectiques : romans noirs, romans à suspense, thrillers, thrillers psychologiques ou polars. Face à la profusion d'ouvrages de littérature policière, il est parfois bien difficile de faire son choix. Je vous donne donc mon avis quant à mes lectures.

25 Jan

"Sors de ma vie" Lisa Unger

Publié par Les Polars de Marine

Ian et Megan viennent de rompre. Une relation amoureuse ternie par l'ombre de Priss qui rôde depuis leur rencontre. 

Une fois sous le porche, j’ai pu la sentir. ; un mélange de parfum, de cigarette et de quelque chose d’autre. Un tourbillon de fureur et de désir m’a remué les tripes quand j’ai ouvert la porte. Elle était là, aussi sauvage et belle que toujours – les cascades blancs, or et cuivre de ses cheveux, sa peau couleur de lin, ses yeux d’un bleu de pierre de lune abritant de terribles secrets. Priss. Elle a pris une posture victorieuse, jambes écartées, poings sur les hanches, un sourire discret étirant le coin de ses lèvres. J’ai retenu un rire. La porte a claqué dans mon dos.
« Salut, Priss. » Ma voix sonnait bizarrement. Elle semblait faible, empreinte d’un sentiment de défaite. Elle l’a remarqué.
« Bienvenue chez toi, enfoiré.»

Priss est l’amie de toujours de Ian, cette amie d’enfance qui l’a sauvé des humiliations nombreuses de sa petite enfance et de son adolescence. Humilié par ses camarades de classe, il était ce que l’on peut appeler la « tête de turc », la « tête à claques », celui qui est toujours la risée de tout le monde et qui encaisse les coups, tant physiques que psychologiques. Mais le « vilain petit canard » s’est au fil du temps métamorphosé et est devenu un homme sportif, séduisant, et dont le talent de dessinateur de comics est reconnu à sa juste valeur. 

Aujourd’hui, quand je regarde dans le miroir (d’accord, pas aujourd’hui, précisément), le gosse malheureux que j’étais a totalement disparu. La ville où j’ai grandi, ce pauvre gosse, cette vie minable : je les ai balancés comme j’avais balancé les vêtements dans lesquels je nageais, et qui pendaient sur moi comme une peau morte. J’ai emballé le tout dans un grand sac plastique que j’ai expédié dans le vide-ordures. Adieu. C’était aussi simple que ça. Vraiment. Ca l’a été pour moi, en tout cas.

« Sors de ma vie » est un récit croisé passé-présent. Ian raconte son histoire, les liens qui l’unissent à cette amie omniprésente : Priss, son enfance douloureuse, l’amour qu’il voue à Meg et l’évolution de leur relation ainsi que les démons de son passé qui le hantent à chaque instant.

Un récit original où l’on se demandera souvent si la fiction ne prend pas le pas sur la réalité ; Ian dessinant sa vie et la mettant en images. Les deux protagonistes de ses comics sont Gros-Lard et Priss : la bonne amie qui sauve toujours la mise ainsi que l’inspecteur et le psychologue. 

On retrouve un certain nombre de personnages récurrents dans mes comics. L’un d’eux est l’inspecteur qui depuis toujours soupçonne Gros-Lard d’être responsable des crimes et délits qui ont tendance à survenir autour de lui, et qui néglige de suspecter Priss. L’inspecteur est un peu obnubilé par Gros-Lard , qu’il voit s’en tirer à bon compte depuis trop longtemps. Il n’y a jamais la moindre preuve substantielle, il existe toujours un alibi ou un fait contradictoire qui finit par lui sauver la mise. L’inspecteur – une armoire à glace avec une mâchoire de rugbyman et des poings gros comme des enclumes –reste tapi dans l’ombre tel un spectre à l’affût. Il passe son temps à guetter sa proie, attendant l’instant où Gros-Lard se prendra les pieds dans le tapis et révélera son vrai visage de psychopathe.
Il y a aussi le psy qui joue le rôle de la bonne conscience de Gros-Lard. Il est petit et mince, et je le représente toujours dans son fauteuil, en plans rapprochés, avec un gros bloc-notes sur les genoux. Il a le crâne luisant et des lunettes à monture métallique. Il émet des murmures d’approbation et aime les phrases du genre : « Ian, avez-vous déjà envisagé que Priss puisse être un dérivatif pour exprimer la colère que vous n’osez pas manifester à l’encore de votre mère ? ». Lui non plus ne croit pas en l’existence de Priss, il pense qu’elle est le fruit de l’imagination tourmentée de Gros-Lard. Ce dernier, à en croire le médecin, ne s’est jamais remis du traumatisme engendré par le fait que sa mère a tenté de le tuer.
Il y a la mère de Gros-Lard, à qui il rend visite à l’hôpital psychiatrique dans chacun des livres. Elle est représentée avec de grands yeux noirs. Mes dessins la montrent maigre et pâle, avec des cheveux miteux et hirsutes formant des éclairs autour de sa têt. Elle a exploré les zones d’ombre de son âme et y a perdu sa santé mentale. C’est une morte-vivante, rongée par la peur et la culpabilité. Elle a toujours quelque chose d’énigmatique à dire, qui par la suite finit par prendre tout son sens.
Et puis il y a la médium qui communique avec les morts. Grise, avec un physique d’oiseau, elle semble s’être égarée à force de converser avec les esprits. A mon sens, c’est le personnage le plus dérangeant de la série. Parce qu’elle croit réellement Ian. Et elle sait précisément qui est Priss.
Tous ces personnages sont inspirés, au moins dans une faible mesure, des gens qui m’entourent, bien que chacun d’eux ait sa propre personnalité. Les personnages de mes livres ne sont pas réels, mais des personnes existantes ont servi de base à leur création.

Lisa Unger fait, dès le début du récit, planer l’ombre du doute.

Priss est-elle vraiment réelle ou ne serait-elle que le produit de l’imagination d’un enfant qui s’est senti abandonné par sa mère et terriblement meurtri par la mort brutale de sa petite sœur alors qu’elle n’était qu’un bébé et à qui il a fallu de très nombreuses années pour se construire et devenir l’homme qu’il est ?

Une réponse qui ne sera obtenue que dans les toutes dernières pages du roman. 

"Sors de ma vie" Lisa Unger
"Sors de ma vie" Lisa Unger

Découverte en 2012 avec : « Les voix du crépuscule», puis « L’île des ombres » - Coup de cœur 2013 – son dernier ouvrage L ’appel du mal  datait de 2014.

Dans tous ses romans – et pour reprendre ce que je disais dans ma chronique de « L’appel du mal » - Lisa Unger n’a pas son pareil pour étudier, observer et décrire. La psychologie de ses personnages est fouillée. Une importance particulière est accordée aux descriptions tant physiques que morales.  Les actes mais aussi les pensées les plus intimes sont décortiqués et passés au crible. Le talent de l’auteure réside dans sa capacité à maintenir un suspens omniprésent et ce, malgré une écriture assez lente.

 

Ces quelques lignes s’adaptent aussi parfaitement à ce dernier ouvrage. Une fois de plus, l’auteure excelle dans l’art du suspens et son écriture est toujours aussi addictive, une « reine des atmosphères qui se délitent, passant de la simple tension à la tragédie» pour reprendre les mots de son éditeur Français.

"Sors de ma vie" est donc un ouvrage que je vous recommande.

 

Mais je ne pourrai toutefois conclure cette chronique sans ajouter une mention particulière aux traducteurs.

En effet, le style contribuant largement au plaisir de la lecture et à la qualité d’un roman, le rôle du ou des traducteurs est primordial afin de retranscrire au mieux les lignes de la version originale. Il arrive que l’on déplore parfois une traduction quand celle-ci est trop sommaire et peu travaillée ou que l’accroche soit parfaite dans le cas d’un travail bien fait. Personnellement, je cite toujours les noms des traducteurs, estimant que l’on leur doit cette reconnaissance d’un long et laborieux travail - ou non -…

Dans le cas présent, force est de constater que Nicolas Zeimet a fait un excellent travail et a livré un style soigné et sans reproches.

Un compliment que l’on peut d’ailleurs doubler quand l’on sait que c’est lui qui a choisi le titre de ce roman, la version originale étant : « Crazy love you ». Un titre parfaitement adapté.

Nicolas Zeimet est aussi, je le rappelle, l’auteur de Seuls les vautours  coup de cœur 2014 et de Comme une ombre dans la ville et qui, fait assez amusant et qui mérite d’être souligné, pourrait très bien avoir écrit ce roman, quand l’on connaît son univers et sa passion pour les comics.

 

 

 

Editions du Toucan

426 pages – Broché  

22 €

"Sors de ma vie" Lisa Unger
"Sors de ma vie" Lisa Unger
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L
Je ne suis pas sûre d'avoir déjà lu cette auteur... je confonds peut-être. Je note ce titre vu votre enthousiasme. Merci.
Répondre
L
Ce n'est pas son meilleur, mais il est effectivement très bon.

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